8 octobre 2009
Présidence compromise pour Andry Rajoelina ou même scénario de sortie de crise que la Mauritanie et la Guinée pour Madagascar ?
Suite à la décision de nommer Andry Rajoelina à la tête de la prochaine transition, un certain flottement a régné durant toute la journée de mercredi.
Un certain empressement
Contre toute attente, tout est allé très vite. A partir de déclarations plus ou moins officielles, le battage médiatique sur internet a été très rapide. Certains sites ou agences de presse avançant trop vite que l’accord fut consensuel et officiel entre toutes les mouvances, ce qui ne fut pas le cas puisque d’une part la mouvance Ravalomanana s’est fortement opposée à ce que Rajoelina mène la transition et que d’autre part aucun accord n’a été signé. Cependant l’incertitude s’est installée davantage suite aux propos de certains médiateurs :
« La transition est en route à partir du moment où on a formellement désigné certaines personnalités pour certains postes », a assuré à l’AFP Ablassé Ouedraogo, médiateur de l’Union Africaine (UA).
« Il n’y a pas besoin d’un nouvel accord signé, ce sont les accords de Maputo qui restent la base », précisait mercredi un participant à la réunion.
Le choix décisif des postes clés de la transition se ferait donc sans accord écrit et sans la présence des anciens présidents Ratsiraka et Ravalomanana. Des observateurs politiques y voient une tentative (délibérée ?) d’écarter les 2 derniers présidents élus et d’imposer la composition de la transition.
Rajoelina devenu « neutre » ?
Le président évincé semblait injoignable d’après ces proches collaborateurs et certains médiateurs, ce qui accentuait encore davantage cette impression de flottement. Erreur de communication ? Réflexion stratégique ? Le doute fut levé dans l’après-midi quand Ravalomanana s’est adressé par téléphone à ses partisans réunis sur la place de la légalité pour dénoncer la nomination de Rajoelina à la tête de la transition. Il a précisé que ni lui ni sa mouvance ne signeraient un tel accord qui légitimerait le coup d’Etat, affirmation reprise dans un communiqué de presse de sa mouvance puis en direct sur MaTv (une chaîne de télévision privée). L’ancien président a rappelé l’article 1 de la charte de Maputo :
« Les mouvances politiques s’engagent à œuvrer pour une transition neutre, inclusive, pacifique et consensuelle, en vue de l’organisation d’élections régulières, justes, transparentes, équitables et crédibles, et de la mise en place d’institutions démocratiques et stables. »
Retour à la case départ ? Poursuite des négociations ? Il est clair que désormais l’accord est caduque puisque non consensuel. La mouvance Ravalomanana sera-t-elle écartée de la transition comme le craignent ces partisans d’autant plus que le président évincé a consenti à ne pas participer personnellement à la transition et à ne pas revenir au pays pour l’instant ?
Madagascar, Mauritanie, Guinée même scénario de sortie de crise
Pourquoi le leader d’un coup d’Etat ayant donc bafoué la Constitution et le droit, devrait-il être choisi chef d’Etat ? C’est la question qu’on peut se poser en tant que simple citoyen respectueux du Droit, de la République et de la Démocratie.
Un citoyen interrogé par TopMada a déclaré :
« Demain n’importe qui pourra prétendre à être chef d’Etat sans être élu juste parce qu’il a mobilisé 3 000 personnes sur le 13 Mai, obtenu le soutien de mutins et réuni toute la communauté internationale au Carlton. »
Un autre d’ajouté : « la transition doit être menée par une personne neutre pour pouvoir organiser des élections crédibles. »
Cette décision du GIC ne risque-t-elle pas de faire jurisprudence en Afrique, de plus en plus instable, déjà que dans des pays comme la Mauritanie ou la Guinée, les putschistes ont été plus ou moins tolérés par leurs GIC respectifs à la tête de leur transition, suite à des négociations tout aussi houleuses qu’à Madagascar. Rappelons que le général Aziz après la transition en Mauritanie s’est présenté aux élections et qu’il a gagné malgré les contestations de l’opposition. Certains pays tels que la France l’ont reconnu d’ailleurs. Rappelons aussi que Dadis Camara leader de la transition et auteur du coup d’Etat en Guinée, souhaite finalement brigué la magistrature suprême malgré sa promesse. Il n’est pas le seul apparemment en Afrique à ne pas avoir de parole d’honneur.
C’est le même schéma qui s’applique à Madagascar qui ne fait donc pas exception : coup d’Etat – le GIC souhaite un gouvernement d’union nationale (ou de consensus) – le leader est le leader du putsch – il promet de ne pas se présenter aux élections – pendant la transition il place tous ses pions – il revient sur sa décision et se présente finalement aux élections.
Rajoelina va sans doute promettre lui aussi de ne pas se présenter. La question qui se pose est plutôt de savoir ce qui se passera s’il se présente ? Une guerre civile à la guinéenne ou une élection très contestée mais reconnue par la communauté internationale à la mauritanienne ? En tout cas la perspective d’avoir un président élu d’ici la célébration des 50 ans de l’indépendance du pays, s’éloigne de plus en plus.
Madagascar semble finalement sortir d’un petit tunnel pour entrer dans un autre beaucoup plus long…